Les sept vies de Prosper Mérimée
Membre de l'Académie des inscriptions et belles-lettres
Le nom de Prosper Mérimée reste attaché aux Monuments historiques dont il fut le deuxième inspecteur général nommé par Thiers. Il fut également membre de deux académies, les inscriptions et belles-lettres et la Française mais, en vérité, il mena plusieurs vies à la fois comme le démontre dans cette interview son biographe, Pierre Pellissier.
C’est à un académicien, membre de l’Académie des inscriptions et belles-lettres (en 1843) et membre de l’Académie française (en 1844), qu'est consacrée cette émission : Prosper Mérimée (1803-1870). Mais loin de réduire Mérimée à sa vie académique, Pierre Pellissier son biographe nous fait ici découvrir qu'il a mené plusieurs vies en même temps. Six ? Sept ? À vous d'en juger.
Pierre Pellissier commence par préciser les abondantes sources qui ont servi à sa documentation, et essentiellement la correspondance de Mérimée, établie par Maurice Parturier, pas moins de 5.300 lettres… sans compter les nombreux articles de revues dans lesquelles Mérimée publiait, notamment ses nouvelles les plus fameuses.
Page 307, on lit : « la vie de Prosper Mérimée paraît ne devoir jamais connaître de pauses, et ses activités ignorent les accalmies. Il est vrai qu’il ne mène pas une vie mais six ou sept qui ne cessent de se croiser, de se prolonger, de son confondre, ou de se contredire ».
- 1ère vie : une vie de vaurien tout d’abord, avant l’âge de 30 ans, vie que Pierre Pellissier, pour utiliser un mot plus moderne, qualifie de "bambochard" !
- 2e vie : une vie littéraire - Mérimée reste bien sûr écrivain (et grand épistolier). Sa première œuvre tient du canular puisqu'il fait croire qu'une certaine Clara Gazul aurait écrit des pièces de théâtre. Pierre Pellissier démontre que Mérimée était friand de ce genre de plaisanteries, ce qui n'empêche pas son talent ! En 1824, il publie donc le Théâtre de Clara Gazul, en 1840 Colomba, en 1844 Arsène Guillot (qui fait scandale), et en 1845 Carmen.
- 3e vie : une vie de voyage - Mérimée est aussi grand voyageur, et son nom reste attaché aux monuments historiques dont il a été nommé inspecteur général par Thiers en 1834 (il a 31 ans ; sa vie vient de basculer...). L'un des intérêts de cette biographie est de reproduire en détails les quatre grandes « tournées » que Mérimée effectua dans toute la France, avec de multiples moyens de transport plus ou moins confortables, on s'en doute. Et jamais, jamais il n’a cessé de s’intéresser à ses chères ruines… Pour les monuments historiques, il mène un véritable combat, car c’en est un, contre les curés qui badigeonnent les fresques, contre les architectes nuls, contre les saccageurs en tous genres, et lui, l’anticlérical, il bataille pour que les églises soient rendues au culte… Mais il voyage aussi en Grèce, en Turquie, en Italie bien sûr, et en Espagne plusieurs fois, en Angleterre, en Allemagne, et dans toutes les capitales européennes…
- 4evie : sa vie de sauveteur du patrimoine, de bienfaiteur : il sauve des chefs d’œuvre à Orange : les gradins du théâtre romain étaient construites des habitations ! À Vezelay, Saintes et tant d'autres hauts lieux lui doivent la vie.
- 5e vie : une vie de séducteur - Il a plusieurs femmes en même temps dans sa vie… Valentine Delessert, Jenny Dacquin, (il échoue avec George Sand), des actrices (Céline Cayot), les sœurs Lagden, toutes compagnes sur lesquelles Pierre Pellissier donne ici les éléments essentiels.
- 6evie : une vie politique - après avoir été chef de cabinet de plusieurs ministres (Commerce, Marine, Intérieur) il est nommé sénateur (en 1853) par l’Empereur et, Pierre Pellissier en est convaincu par les documents qu'il a retrouvés, espion de Napoléon III !
- Voilà donc la 7e vie de Mérimée, une vie secrète !
Mérimée a des liens proches avec la famille impériale, d'abord avec l'Impératrice Eugénie qu'il a connue toute enfant (il est resté toute sa vie en relation avec sa mère) puis avec l'Empereur auquel il va même jusqu'à offrir toute sa documentation sur la vie de César quand Napoléon III décide de rédiger une biographie du grand conquérant romain. Il passe aussi de nombreuses soirées à Compiègne.
Au nombre des qualités de Mérimée, il faut mettre celle de l’amitié. Amitié avec Stendhal, avec la mère d’Eugénie de Montijo, Manuela, avec d’autres académiciens : Jean-Jacques Ampère, Jacques-François Ancelot, de l’Académie Française, Emile Augier, Delacroix, Victor Hugo (pas très bonnes !), Alexandre de Laborde, Musset, Sainte-Beuve, Félicien de Saulcy, Ludovic Vitet.
Et Pierre Pellissier termine cette émission en évoquant la fin de vie de Mérimée, douloureuse et digne, à Cannes où il est enterré.
Mieux connaître notre invité :
Pierre Pellissier, parallèlement à une carrière de journaliste politique au journal Le Figaro, a écrit plusieurs livres d’histoire, essentiellement consacrés à la dernière guerre, à Dien Bien Phu (un livre qui obtient d’ailleurs le prix Jean Sainteny de l’Académie des Sciences Morales et Politiques) et à la guerre d’Algérie, mais aussi un livre sur Raymond Barre, sur Jacques Faizant, le dessinateur et caricaturiste politique et sur Jacques Anquetil, le coureur cycliste…Pour le XIXe siècle, il s'est penché sur la vie d’Émile de Girardin et avec Mérimée, il revient à une autre grande figure de ce siècle, réalisant ainsi un projet qui lui tenait à cœur depuis plus de vingt ans !
Et très bientôt, vous pourrez, grâce à une prochaine émission sur Canal Académie, faire la fameuse "dictée" de Mérimée...
À écouter aussi: Prosper Mérimée et l’Histoire une communication de Xavier Darcos.