Yves Millecamps, de l’Académie des beaux-arts : " La peinture, c’est la liberté totale "
Elu en 2001 à l’Académie des beaux-arts, Yves Millecamps s’est adonné à la tapisserie, à la peinture, à la sculpture avec toujours le même plaisir de créer, toujours la même rigueur et la même discipline. Dans cette émission il retrace quelques grands moments de sa carrière : de sa rencontre avec Jean Lurçat à l’entrée sous la Coupole.
Diplômé de l’École nationale supérieure des Arts Décoratifs de Paris en 1954, Yves Millecamps, entré à l’Académie des beaux-arts en 2001, se consacre tout d'abord à la tapisserie. Il travaille à Aubusson et a pour grand maître le célèbre Jean Lurçat. Yves Millecamps s’adonne aussi à la peinture géométrique abstraite, à la sérigraphie, aux reliefs muraux, aux sculptures en métal... Il réalise des décors pour la Manufacture de Sèvres, tout en continuant ses réalisations de cartons de tapisserie. Il développe peu à peu un style très particulier en lien avec notre temps. Peut-on parler de puces électroniques ? De peintures multimédias ? Tout cela échappe totalement à notre invité. «Tout vient de façon naturelle sans que je sache ni comment ni pourquoi. Il est vrai que souvent les industriels ont trouvé dans mes créations une image de leurs produits.» Que sa peinture évoque ou pas les nouvelles technologies, elle semble faire miroir à notre époque et imagine un monde entre poésie et extrême rigueur.
Si Yves Millecamps reste indépendant de toute démarche programmée laissant libre cours à notre propre interprétation, il n'en est pas moins méticuleux, surtout quand il s'agit d'examiner son travail. «La peinture c’est la liberté totale. La liberté de concevoir, la liberté de réaliser au travers d'une certaine discipline que je me suis imposée. Si je sens qu'une oeuvre est ratée, je recommence. Comme je suis passionné par l'aviation : je dirais que je décolle et que je fais tout pour atterrir dans de bonnes conditions. Je suis toujours très heureux de peindre mais par moments j'ai la nostalgie de sculptures en métal que j'aurais aimé réaliser ou de nouveaux décors pour la Manufacture de Sèvres. Je suis toujours prêt, toujours curieux de toucher à de nouvelles contraintes et exigences.»
Au commencement...
«J'aime la peinture depuis ma plus tendre enfance. Tout en ignorant la notion d'art, j'étais passionné par le dessin et très attiré par la peinture. J'ai senti très vite que cette dernière me plaisait le plus. Je me suis mis à reproduire toutes les images qui me tombaient sous la main : paysages, nuages. Comme j'aimais beaucoup les avions et qu'ils étaient dans le ciel, il fallait peindre des nuages alors j'ai commencé à les imiter puis j'ai appris.»
Une rencontre qui change la vie...
«La plus importante et la plus spectaculaire pour moi a été la rencontre de Jean Lurçat. En 1952, lorsque je suis allé le voir à Saint-Céré, c'est lui qui a ouvert la porte de son château. A ce moment il y a eu un flot de musique extraordinaire de Haendel et je me suis retrouvé nez à nez avec ce grand mur de contreplaqué sur lequel il y avait une grande quantité de calque qu'il manœuvrait avec l’aide d'un ou deux assistants. Il m'a accueilli extrêmement gentiment. Nous avons discuté une bonne demi-heure, puis il m'a incité à me mettre à la tapisserie, discipline que je n'avais jamais touchée. C'est donc lui qui m'a donné le virus...»
Sur l'art de la tapisserie
«J'ai commencé la tapisserie en 1956, c'était la pleine période, les ateliers fonctionnaient à plein. Aujourd'hui la tapisserie est morte. Elle était devenue trop chère... On considérait qu'il valait mieux acheter une peinture unique qu'une tapisserie qui n'est jamais qu'un multiple puisqu'elle peut être tirée à 8 exemplaires.»
Les passions
L'art ne s'arrête pas à la tapisserie pour Yves Millecamps. «Je me suis toujours passionné pour une quantité de choses. J'avais un amour fou pour le métal et pour l'acier inoxydable. Le premier choc pétrolier a été terrible pour beaucoup d'artistes et nous a empêchés d'aller plus loin dans cette expérimentation.» Et puis il y a les passions personnelles : l'Italie, le violon, la musique classique, Bach et Berlioz, la musique iranienne, arabe, et, il l'a dit, la fascination pour les avions : «ayant vécu toute la guerre dans le nord de la France, j'ai vu passer des centaines de milliers d'avions. Je connaissais leur silhouette, le bruit de leur moteur...»
L'entrée à l'Académie des beaux-arts
Le 27 juin 2001, Yves Millecamps est élu à l'Académie des beaux-arts au fauteuil de Jean Dewasne décédé en 1999. Il préside l'Académie en 2008. Quel souvenir garde notre invité de sa réception sous la Coupole ?
«Le souvenir d'une peur. C'est impressionnant. Je ne suis pas orateur, je suis timide. J'aimais beaucoup l'oeuvre de Jean Dewasne. Nous nous sommes croisés une seule fois, ce qui ne m'empêchait pas d'avoir une admiration très profonde pour lui. Curieusement nous sommes de la même région, nés à 15km l'un de l'autre. Dans les années 80 un article d'un magazine du Nord avait cité 3 peintres du Nord dans le mouvement constructiviste et nos photos étaient reproduites dans cet article...»
Afin de mieux connaître la vie et l'oeuvre de Yves Millecamps n'hésitez pas à écouter l'intégralité de l'enregistrement.
En savoir plus :
- Yves Millecamps à l'Académie des beaux-arts