Eric-Emmanuel Schmitt : en quête de la sagesse immémoriale de la Chine
Dans son roman Les dix enfants que madame Ming n’a jamais eus, Eric-Emmanuel Schmitt nous mène à la rencontre de Madame Ming, fascinante "Dame pipi", qui va conter au narrateur la vie poétique et imaginaire de ses dix enfants, aux quatre coins de l’Empire du Milieu. Sixième volet du cycle de l’Invisible, après Oscar et la dame rose et Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran, à la fois récit métaphorique et hymne à la liberté de création, l’incroyable histoire de Madame Ming nous entraîne dans la Chine d’hier et d’aujourd’hui, éclairée par la sagesse immémoriale de Confucius.
Après l’Inde dans Milarepa, la Japon dans Le sumo qui ne pouvait pas grossir, l’Irak avec Ulysse from Bagdad, c’est dans l’Empire du Milieu qu’Eric-Emmanuel Schmitt, écrivain-penseur et philosophe de cœur, pose aujourd’hui ses valises.
Cette Chine du lointain, Eric-Emmanuel Schmitt nous confie qu’il a mis des années à la comprendre et à tenter d’en saisir la pensée. De cette longue fréquentation est née une certaine intimité entre l’auteur et cette Chine millénaire et spirituelle, dont son nouveau roman, Les 10 enfants que Madame Ming n’a jamais eus, est le fruit.
Cette œuvre appartient au cycle de l’Invisible, où figurent déjà des romans comme Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran ou Oscar et la Dame rose.
« Ces petits textes que j’ai écrits répondent à un projet encyclopédique. Ce sont des fictions qui permettent, à travers l’histoire de personnages atypiques, d’aborder le cœur d’une religion : le bouddhisme, le sophisme, le christianisme ou encore le judaïsme ».
Aujourd’hui avec Les 10 enfants que Madame Ming n’a jamais eus, Eric-Emmanuel Schmitt se penche plus précisément sur une morale plutôt que sur une religion, une sagesse qui perdure depuis 2500 ans : le Confucianisme.
«Dans cette histoire, nous explique Eric-Emmanuel Schmitt, un homme d’affaires français, parlant le mandarin et le cantonnais, en voyage professionnel en Chine, va faire la connaissance d’une femme fascinante, Madame Ming, « Dame pipi » des toilettes masculines du sous-sol de son hôtel, lieu qui va devenir au cours de leur discussion, un « laboratoire d’expérimentation métaphysique et moral où chaque mortel abandonnera l’illusion de sa puissance »».
Ce dont parle Madame Ming va bouleverser cet occidental aux certitudes bien établies : elle se met en effet à raconter l'histoire de ses 10 enfants, récit invraisemblable dans cette Chine du XXe siècle où sévit, depuis les années 1980, la politique de l’enfant unique.
Dit-elle la vérité ? Aurait-elle sombré dans une folie douce par frustration ? Cette progéniture est-elle imaginaire ?
Face au désarroi du protagoniste, un troisième personnage entrera en scène dans la bouche de Madame Ming. Cette femme qui a l’air folle va distiller une sagesse millénaire, la pensée de Confucius qui imprègne la Chine depuis 2500 ans.
Cette sagesse aura beaucoup à dire au héros car elle démontrera qu’il existe quelque chose de plus important que la vérité : l’harmonie.
«Pour nous, êtres qui appartenons à la civilisation judéo-chrétienne, la vérité a été érigée en idéal, car nous nous définissons par rapport à une transcendance, Dieu, à qui nous devons clarté et vérité. Chez les Chinois il n’existe pas de transcendance, c’est l’harmonie sociale qui compte. Ainsi se taire ou mentir vaut parfois mieux que dire la vérité : c'est le souci de l’autre, le tact, la délicatesse qui l’emporte.»
Une leçon que va apprendre, au contact de Madame Ming et de Confucius, le protagoniste qui, contre toutes apparences, est le véritable menteur de l’histoire, fuyant ses soucis, évitant de reconnaitre ses propres douleurs et refusant tout travail introspectif.
« Face à lui-même, il va comprendre que pour changer l’univers qui l’entoure, il doit d’abord parvenir à travailler sur sa propre pensée et sur sa façon de voir le monde. »
Madame Ming est humble mais elle est porteuse d’une sagesse, d’un amour de la vie et d’une tendresse infinies.
Dans son récit, chacun de ses enfants apprend à grandir, tout comme le lecteur d'ailleurs, au fil des pages de cette belle histoire d’Eric-Emmanuel Schmitt, interrogé dans cette émission par Virginia Crespeau.
Ce roman est publié aux éditions Albin Michel.
Canal Académie profite de cette rencontre avec la Chine d’aujourd’hui pour accueillir Madame Chow Ching Ling, professeur au Conservatoire Central de Musique de Pékin et présidente du Comité international de la Jeunesse pour la Promotion des Arts et de la Culture.
Cette ancienne pianiste concertiste à l’Orchestre Symphonique de Radiodiffusion Centrale de Chine vient présenter le jeune prodige Liu Shen, soprano chinois âgé de 11 ans.
Écoutez cette présentation qui fait suite à l'interview d'Eric-Emmanuel Schmitt.
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