La scolarisation précoce : l’accueil des jeunes enfants doit-il être un nouveau service public ?
L’école maternelle est-elle adaptée aux enfants de deux ans ? Comment respecter le temps du bébé avant l’entrée en maternelle ? Afin d’établir un état des lieux sur cette question très controversée de la scolarisation précoce et d’en mesurer les enjeux, la Commission des affaires culturelles du Sénat a créé un groupe de travail animé par Mme Monique Papon qui est ici reçue par Myriam Lemaire.
Cette émission s’inscrit dans la série « Rapports du Sénat » présentée par Myriam Lemaire.
Composé de Sénateurs représentant tous les groupes politiques, ce groupe de travail animé par Monique Papon et Pierre Martin, Sénateur de la Somme, a entendu de nombreux acteurs et partenaires du secteur de la petite enfance et du domaine de l’éducation. Le groupe s’est aussi rendu sur le terrain, dans une école maternelle à Gennevilliers.
La scolarisation précoce, une exception française
La France fait figure d’exception en Europe, avec la Belgique, en acceptant d’accueillir à l’école maternelle les enfants dès l’âge de deux ans. Cette spécificité s’explique par l’histoire de l’école maternelle que retrace ici Monique Papon. Dès le début du XIXème siècle, la France a fait le choix d’une structure éducative collective avec la création des salles d’asile pour les enfants d’ouvriers et des catégories urbaines les plus pauvres.
Monique Papon évoque la personnalité et l’œuvre de Pauline Kergomard, nommée en 1879 inspectrice générale des salles d’asile, qui a marqué la naissance de l’école maternelle. La généralisation de la préscolarisation s’est amorcée à la fin des années 1950. L’on a assisté depuis à une hausse continue et forte du nombre d’enfants scolarisés à l’école maternelle ainsi qu’à un abaissement de l’âge d’entrée à l’école maternelle à partir des années 1970.
Or l’école maternelle a une vocation essentiellement éducative, rappelle Monique Papon. Son rôle est de permettre à chaque enfant de devenir élève. « Elle fait passer l’enfant du grand bébé au stade du petit écolier ».
Un débat de société
Le débat engagé par le groupe de travail avec les partenaires n’a pas pour finalité de remettre en cause le principe de l’école maternelle. « Elle doit garder toute sa place » souligne Monique Papon.
Sa réflexion porte sur le bien-fondé d’une entrée précoce dans un cadre scolaire. Monique Papon rappelle qu’un débat émerge régulièrement autour de la scolarisation précoce. Certains y voient un facteur de réduction des inégalités sociales et de prévention de l’échec scolaire, d’autres estiment que l’institution scolaire n’est pas adaptée aux besoins du jeune enfant et qu’il faut lui laisser du temps pour se construire. Un enfant de deux ans a ses propres rythmes et a des besoins spécifiques. Selon l’expression de Mme Claire Brisset, ancienne défenseure des enfants, qui a marqué le groupe de travail « comme un leitmotiv » : « Il faut respecter le temps du bébé ».
Une fausse bonne idée ?
Le groupe de travail s’est interrogé sur l’impact d’une fréquentation scolaire dès l’âge de deux ans sur le déroulement de la scolarité ultérieure. Différentes études montrent qu’elle n’est pas un facteur de réussite scolaire. Elle pourrait même, dans certains cas, être un frein pour l’acquisition du langage par les tout-petits, selon plusieurs experts.
Le groupe de travail a aussi constaté des disparités territoriales importantes en matière de scolarisation précoce qui s’expliquent par différents facteurs et par les traditions locales.
Monique Papon observe que les parents ne sont pas majoritairement favorables à la scolarisation des enfants de deux ans, comme le montre une enquête SOFRES menée par le magazine « Parents » en 2006 sur cette question : seules 35 % des mères étaient favorables à une généralisation de l’accueil des enfants de deux ans à l’école. Le groupe de travail s’est interrogé sur les motivations qui conduisent les parents à inscrire leur enfant à l’école maternelle avant trois ans.
Une nouvelle structure : le jardin d’éveil
Au cours des auditions, le groupe de travail a perçu la nécessité d’offrir aux familles une structure adaptée aux enfants de deux à trois ans, à mi-chemin entre la crèche et l’école, baptisée « jardin d’éveil ». Elle offrirait des normes d’encadrement plus souples, des personnels adaptés et des locaux particuliers, de préférence à proximité de l’école maternelle et elle accueillerait des effectifs moins nombreux.
Monique Papon rappelle que des expérimentations de jardins d’éveil sont menées depuis la rentrée dans plusieurs communes.
Il n’est pas question de supprimer l’école maternelle, souligne Monique Papon, mais la formation des enseignants devrait intégrer la dimension « petite enfance ».
Une nouvelle politique d’accueil de la petite enfance
Le groupe de travail propose de constituer un pôle de l’accueil de la petite enfance reposant sur plusieurs structures éducatives s’articulant sur un triptyque avec une approche chronologique :
- des crèches collectives ou familiales pour les bébés ;
- de nouvelles structures d’accueil, les jardins d’éveil, pour les enfants de deux à trois ans ;
- l’école maternelle pour assurer une scolarisation réussie des enfants à partir de trois ans.
En savoir plus :
- accéder au rapport : « Accueil des jeunes enfants : pour un nouveau service public, n° 47, 2008/2009 : http://www.senat.fr/noticerap/2008/r08-047-notice.html
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